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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/26

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et nous voudrions bien que tu nous le retrouvasses, fit Bogoumil qui se dandinait sur sa chaise.

— Mais…

— Pas de mais, mon garçon, il nous faut Liatoukine, c’est un boyard russe, cherche !

— C’est qu’il y a beaucoup de boyards russes ici maintenant, répartit le garçon en souriant à demi.

— Ah ! fit Sokolitch en retroussant sa moustache d’un coup de pouce, est-ce que cela te déplairait, par hasard ?

Et comme ils répétaient sur tous les tons : — Liatoukine, nous voulons Liatoukine !

— Le voici, Messieurs ! dit une voix qui les fit se lever tous, comme mus par un ressort : Liatoukine était devant eux.

Ainsi que le disait Sokolitch, le nouveau venu avait l’aspect funèbre. Il réalisait, avec une exactitude surprenante, le type légendaire du Vampire slave. Sa taille, démesurément longue et maigre, projetait derrière lui une ombre gigantesque qui allait se perdre dans l’obscurité du plafond. Avec un geste empreint d’une dignité un peu froide, il présenta aux jeunes officiers sa main décharnée, mais soignée et chargée de bagues, et daigna prendre le siège qu’ils lui offraient respectueusement. Sa chevelure et sa barbe, d’un noir intense, faisaient ressortir la pâleur livide de son visage allongé dont les lignes correctes et glaciales semblaient moins appartenir à une physionomie humaine qu’à un marbre funéraire. Les soldats l’avaient surnommé le capitaine Vampire ; un esprit fort l’eût appelé un parfait gentleman. Les yeux, qui, seuls, vivaient au milieu de ce visage impassible, présentaient une particularité singulière. Le globe de l’œil, chatoyant comme une topaze, avait la pupille fendue verticalement, telle qu’on l’observe chez les ani-