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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/32

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soie que de brins de laine. Hélas ! la jolie Valaque avait plus d’un défaut. De sa vie une pensée sérieuse n’avait traversé cette petite tête folle, occupée uniquement de ces mille brimborions qui ont le privilège de faire à la fois le bonheur des Parisiennes et des sauvagesses de la Guinée : Mariora était coquette.

Au fond, cette coquetterie n’avait rien que de fort innocent. Mariora ne songeait pas à mal et ne cherchait qu’à plaire à Isacesco qu’elle adorait. Elle était considérée par les jeunes gens comme un être d’une nature supérieure ; les conversations légères cessaient à son approche, et l’on respectait autant en elle la fille du pope mort que la fiancée du redoutable dorobantz. Mariora était bien gardée. Elle n’allait jamais à Bucharest sans être accompagnée de Baba-Sophia, une vieille parente que le pope avait recueillie, et les jeunes boyards, retour de Paris, savaient qu’en revenant de chez la sœur, on risquait de rencontrer au détour du chemin le poignard du frère ou le revolver du fiancé. Seul le seigneur Rélia Comanesco, frère de lait de Mitica, était admis dans l’intimité du ménage Sloboziano ; il avait l’esprit encore imbu de préjugés de castes dignes de l’autre siècle et ne soupçonnait même pas que Mariora fût jolie. De son côté, Mariora n’admirait qu’Isacesco. Il était pauvre ou à peu près ; elle était riche. Il possédait six misérables pogones[1] de terre ; les propriétés des Slobozianii comprenaient plus de cinquante hectares de superficie, et Mariora, égoïste inconsciente, avait jusqu’ici considéré le tout comme lui appartenant ; Mitica ne croyait pas devoir la détromper. Impérieuse et volontaire à l’égard de tous ceux qui l’entouraient, un mouvement de sourcils du pauvre doro-

  1. Le pogone vaut un peu moins d’un demi hectare.