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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/33

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bantz la rendait docile, et leurs noces devaient être célébrées dans le courant de l’année ; mais les commères de Baniassa hochaient la tête et disaient que, mariage ou non, tout cela finirait mal, et que la Mariora n’était pas la femme qu’il fallait à Isacesco.

Hélas ! cela était peut-être vrai ! Mariora avait les caprices et les jolis défauts d’une grande dame de Bucharest, ce qui constituait un bagage assez embarrassant sous le toit d’un simple paysan comme Ioan. La femme du pope qui, par parenthèse, avait fait une mésalliance, s’était attachée à développer chez sa fille une foule de petites perfections superflues, tout en négligeant de cultiver des qualités solides dont la jeune fille eût plus aisément trouvé l’emploi dans la position qu’elle occupait. De cela il résultait qu’elle avait de mignons doigts roses qui ne savaient pas faire un fromage, qu’elle chantait les doïne[1] à ravir, et qu’il fallait plus que du courage pour avaler la mamaliga préparée par elle. Sa place semblait bien moins marquée à l’humble foyer d’Isacesco que dans les salons somptueux d’un boyard quelconque ; aussi avait-elle depuis longtemps confié les soins grossiers du ménage à Baba-Sophia et à la Zamfira.

— Qu’était la Zamfira ? Oh ! presque rien. Elle et son père vivaient ensemble dans une petite cabane qu’ils devaient à la générosité des Slobozianii. Le père labourait, ensemençait, sarclait, moissonnait pour le compte de Mitica ; la fille aidait ou plutôt remplaçait Mariora et trouvait encore le temps de fabriquer des filets et des nattes qu’elle vendait ensuite à Bucharest. Elle était honnête, on l’estimait sans doute, on la recherchait peu : elle avait eu la malechance d’être née d’une mère tzigane.

  1. Chants nationaux de la Roumanie.