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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/57

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Ce soir l’élément plébéien a envahi le domaine aristocratique, et les belles dames, paresseusement étendues dans leurs équipages viennois, avancent, moins traînées par leurs chevaux de race que poussées par le peuple grossier qui se presse dans les intervalles laissés libres par les voitures.

La calèche armoriée des Comanescii porte avec orgueil les princesses Epistimia et Agapia accompagnées de leur mère qui leur distribue de temps en temps des avis charitables.

— Agapitza, mon enfant, tenez-vous droite : Décébale Privighetoareano vous regarde. Huit mille hectares dans la plaine et des propriétés en Hongrie.

Agapitza se redresse et prend un air majestueux.

— Epistimia, ma chère, reprend la noble dame, relevez vos cheveux : le colonel n’aurait qu’à venir !…

Epistimia passa sa main blanche sur ses tempes et jette un regard hautain à la foule qui l’entoure.

Cependant, Décébale Privighetoareano, gants gris-perle, lorgnon à l’œil, pantalons mexicains, ricane à l’oreille d’un ami.

— Vois donc cette grosse Agapia, quel physique de cabaretière ! On m’assure qu’elle pèse plus de 80 kilos. Je connais une petite actrice du théâtre Bossel qui a bien plus l’air d’une princesse que cette lourde fille-là !

Pas de colonel à l’horizon. Epistimia s’impatiente et appuie ses talons pointus sur les pieds de sa sœur qui est trop bien apprise pour faire la moindre grimace sous les yeux d’un jeune boyard qui possède huit mille hectares dans la plaine. Pas une de ces trois âmes mondaines ne songe à Rélia dont le sort, peu respectueux, vient de faire un simple dorobantz et qui part dans une heure pour Giurgévo.