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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/56

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V

Le bois de Baniassa.

Indépendance ! Boum ! boum ! de l’Ister aux Carpathes la Roumanie est libre ! Salves de canon, feu d’artifice, discours du Prince, rien ne manque à la fête, pas même, cette fois, l’enthousiasme du peuple à qui le gouvernement dore la pilule et qui l’avale, ma foi ! de bien bonne grâce !

Le rakiou coule à torrents ; dans toutes les guinguettes la babuta et le piper, qui ne sont qu’un cancan échevelé, vont leur train, et, Dieu me pardonne ! les Roumains en gaîté apprennent aux Russes à danser la danse nationale, la hora, au son de l’infernale musique des Tziganes. Les énormes balançoires, qui ne ressemblent en rien aux escarpolettes faisant les délices des misses et des demoiselles, enlèvent vingt personnes à la fois et hurlent sur leurs gonds. Les rues font songer aux galeries d’une fourmilière. À la Chaussée, la cohue est indescriptible. La Chaussée est une grande allée plantée de tilleuls qui commence à la façon de l’avenue des Champs-Élysées et qui finit en manière de bois de Boulogne. Seulement, le bois de Boulogne s’appelle ici Baniassa. Les élégants ne vont guère jusqu’à Baniassa qui est une promenade déchue, abandonnée ; ils préfèrent, aux ombrages démodés au bois, la poussière aveuglante de l’interminable Chaussée.