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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/74

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— À droite ? à gauche ?… murmurait-elle.

— Coucou ! reprit l’oiseau.

— À gauche ! s’écria-t-elle, mauvais présage !

Elle se signa trois fois à la manière des Orientaux et ayant aperçu le malencontreux chanteur perché au sommet d’un cerisier sauvage, elle ramassa une petite pierre qu’elle lui jeta et l’oiseau s’envola, toujours vers la gauche, en poussant son impitoyable « coucou ! »

— Maudite bête ! fit Mariora en laissant errer son regard déconcerté autour d’elle, et ses yeux rencontrèrent le produit de la razzia qu’elle avait faite.

— C’est pas un bouquet ! dit-elle piteusement.

Elle lâcha le coin de son tablier et les pauvres fleurs allèrent rouler à ses pieds.

— Elles étaient laides ! dit-elle pour se consoler, et, prenant une résolution subite, elle fit une centaine de pas dans la direction du village. Mais le courage de la jeune fille diminuait en raison inverse de l’obscurité. Elle commençait à trouver le bois de Baniassa beaucoup moins joli et lançait des regards furtifs aux buissons ; mais comme elle craignait d’alimenter ses vagues terreurs en se les avouant à elle-même, elle tenta de les éloigner en faisant ce que font les gens les plus braves quand ils ne se sentent pas tout-à-fait à leur aise : elle se mit à chanter à tue-tête. Instinctivement elle avait choisi des paroles pleines d’orgueil et de témérité ; elle entonna bravement la fière réponse de l’architecte Manoli dans la ballade si populaire de l’Église d’Argis :

Il n’existe pas, ici, sur la terre,
Pareils à nous dix maîtres maçons ;
Nous pouvons bâtir plus beau monastère,
Monument de gloire…

La voix lui manqua.