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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/166

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Arlequin.

Je ne sais point cela ; cela m’est inutile.

Trivelin.

Je vous l’apprends.

Arlequin.

Je ne me soucie pas de nouvelles.

Trivelin.

Silvia plaît donc au prince, et il voudrait lui plaire avant que de l’épouser. L’amour qu’elle a pour vous fait obstacle à celui qu’il tâche de lui donner pour lui.

Arlequin.

Qu’il fasse donc l’amour ailleurs : car il n’aurait que la femme ; moi, j’aurais le cœur ; il nous manquerait quelque chose à l’un et à l’autre, et nous serions tous trois mal à notre aise.

Trivelin.

Vous avez raison ; mais ne voyez-vous pas que si vous épousiez Silvia, le prince resterait malheureux ?

Arlequin.

À la vérité il serait d’abord un peu triste ; mais il aura fait le devoir d’un brave homme, et cela console ; au lieu que, s’il l’épouse, il fera pleurer ce pauvre enfant ; je pleurerai aussi, moi ; il n’y aura que lui qui rira, et il n’y a point de plaisir à rire tout seul.

Trivelin.

Seigneur Arlequin, croyez-moi ; faites quelque chose pour votre maître. Il ne peut se résoudre à quitter Silvia. Je vous dirai même qu’on lui a prédit l’aventure qui la lui a fait connaître, et qu’elle doit être sa femme ; il faut que cela arrive ; cela est écrit là-haut.