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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/223

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Scène XII

SILVIA, LE PRINCE.
Silvia.

Vous venez ; vous allez encore me dire que vous m’aimez, pour me mettre davantage en peine.

Le Prince.

Je venais voir si la dame qui vous a fait insulte s’était bien acquittée de son devoir. Quant à moi, belle Silvia, quand mon amour vous fatiguera, quand je vous déplairai moi-même, vous n’avez qu’à m’ordonner de me taire et de me retirer ; je me tairai, j’irai où vous voudrez, et je souffrirai sans me plaindre, résolu de vous obéir en tout.

Silvia.

Ne voilà-t-il pas ? Ne l’ai-je pas bien dit ? Comment voulez-vous que je vous renvoie ? Vous vous tairez, s’il me plaît ; vous vous en irez, s’il me plaît ; vous n’oserez pas vous plaindre, vous m’obéirez en tout. C’est bien là le moyen de faire que je vous commande quelque chose !

Le Prince.

Mais que puis-je mieux que de vous rendre maîtresse de mon sort ?

Silvia.

Qu’est-ce que cela avance ? Vous rendrai-je malheureux ? en aurai-je le courage ? Si je vous dis : « Allez-vous-en », vous croirez que je vous hais ; si je vous dis de vous taire, vous croirez que je ne me soucie pas de vous ; et toutes ces croyances-là ne seront pas vraies ; elles vous affligeront ; en serai-je plus à mon aise après ?