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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/245

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je suis son maître ? S’en ira-t-il sans avoir justice ? N’en aurais-je pas du regret ? Qui est-ce qui fera mon office de prince, si je ne le fais pas ? J’ordonne donc que je lui rendrai Silvia. »

Le Prince.

Ne changeras-tu jamais de langage ? Regarde comme j’en agis avec toi. Je pourrais te renvoyer et garder Silvia sans t’écouter ; cependant, malgré l’inclination que j’ai pour elle, malgré ton obstination et le peu de respect que tu me montres, je m’intéresse à ta douleur ; je cherche à la calmer par mes faveurs ; je descends jusqu’à te prier de me céder Silvia de bonne volonté ; tout le monde t’y exhorte, tout le monde te blâme et te donne un exemple de l’ardeur qu’on a de me plaire ; tu es le seul qui résiste, tu reconnais que je suis ton prince ; marque-le-moi donc par un peu de docilité.

Arlequin.

Eh ! monseigneur, ne vous fiez pas à ces gens qui vous disent que vous avez raison avec moi, car ils vous trompent. Vous prenez cela pour argent comptant ; et puis vous avez beau être bon, vous avez beau être brave homme, c’est autant de perdu, cela ne vous fait point de profit. Sans ces gens-là, vous ne me chercheriez point chicane ; vous ne diriez pas que je vous manque de respect parce que je réclame mon bon droit. Allez, vous êtes mon prince, et je vous aime bien ; mais je suis votre sujet, et cela mérite quelque chose.

Le Prince.

Tu me désespères.

Arlequin.

Que je suis à plaindre !