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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/246

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Le Prince.

Faudra-t-il donc que je renonce à Silvia ? Le moyen d’en être jamais aimé, si tu ne veux pas m’aider ? Arlequin, je t’ai causé du chagrin ; mais celui que tu me laisses est plus cruel que le tien.

Arlequin.

Prenez quelque consolation, monseigneur ; promenez-vous, voyagez quelque part ; votre douleur se passera dans les chemins.

Le Prince.

Non, mon enfant ; j’espérais quelque chose de ton cœur pour moi, je t’aurais plus d’obligation que je n’en aurai jamais à personne ; mais tu me fais tout le mal qu’on peut me faire. N’importe, mes bienfaits t’étaient réservés, et ta dureté n’empêche pas que tu n’en jouisses.

Arlequin.

Aïe ! qu’on a de mal dans la vie !

Le Prince.

Il est vrai que j’ai tort à ton égard ; je me reproche l’action que j’ai faite, c’est une injustice : mais tu n’en es que trop vengé.

Arlequin.

Il faut que je m’en aille ; vous êtes trop fâché d’avoir tort ; j’aurais peur de vous donner raison.

Le Prince.

Non, il est juste que tu sois content ; souhaite que je te rende justice ; sois heureux aux dépens de tout mon repos.

Arlequin.

Vous avez tant de charité pour moi ; n’en aurais-je donc pas quelque peu pour vous ?