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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/312

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La Marquise.

Ce n’est pas assez qu’il le croie, ce n’est pas assez, il faut que cela soit ; il n’y a que cela qui puisse me venger de l’affront presque public que m’a fait sa réponse ; il n’y a que cela, j’ai besoin, pour réparation, que son discours n’ait été qu’un dépit amoureux : dépendre d’un dépit amoureux ! Cela n’est-il pas comique ? Assurément, ce n’est pas que je me soucie de ce qu’on appelle la gloire d’une femme, gloire sotte, ridicule, mais reçue, mais établie, qu’il faut soutenir, et qui nous pare ; les hommes pensent comme cela, il faut penser comme les hommes, ou ne pas vivre avec eux. Où en suis-je donc, si le chevalier n’est point jaloux ? L’est-il ? ne l’est-il point ? on n’en sait rien, c’est un peut-être ; mais cette gloire en souffre, toute sotte qu’elle est, et me voilà dans la triste nécessité d’être aimée d’un homme qui me déplaît ; le moyen de tenir à cela ? oh ! je n’en demeurerai pas là, je n’en demeurerai pas là. Qu’en dites-vous, monsieur ? il faut que la chose s’éclaircisse absolument.

Hortensius.

Le mépris serait suffisant, madame.

La Marquise.

Eh ! non, monsieur, vous me conseillez mal ; vous ne savez parler que de livres.

Lubin.

Il y aura du bâton pour moi dans cette affaire-là.

Lisette, pleurant.

Pour moi, madame, je ne sais pas où vous prenez toutes vos alarmes, on dirait que j’ai renversé le monde entier. On n’a jamais aimé une maîtresse autant que je vous aime ; je m’avise de tout, et