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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/317

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Le Chevalier.

Au comte, qui vous déplaît.

La Marquise.

Eh bien, ce comte qui me déplaît, vous n’avez pas voulu me parler pour lui ; Lisette s’est même imaginé vous voir un air piqué.

Le Chevalier.

Il en pouvait être quelque chose.

La Marquise.

Passe pour cela, c’est répondre, et je vous reconnais : sur cet air piqué, elle a pensé que je ne vous déplaisais pas.

Le Chevalier salue en riant.

Cela n’est pas difficile à penser.

La Marquise.

Pourquoi ? On ne plaît pas à tout le monde ; or, comme elle a cru que vous me conveniez, elle vous a proposé ma main, comme si elle dépendait d’elle, et il est vrai que souvent je lui laisse assez de pouvoir sur moi ; vous vous êtes, dit-elle, révolté avec dédain contre la proposition.

Le Chevalier.

Avec dédain ? voilà ce qu’on appelle du fabuleux, de l’impossible.

La Marquise.

Doucement, voici ma question : Avez-vous rejeté l’offre de Lisette, comme piqué de l’amour du comte, ou comme une chose qu’on rebute ? Était-ce dépit jaloux ? Car enfin, malgré nos conventions, votre cœur aurait pu être tenté du mien : ou bien était-ce vrai dédain ?