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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/363

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vous que sous la figure de son valet, qui, de son côté, fera le personnage de son maître. »

Mario.

Ah ! ah ! cela sera plaisant.

Monsieur Orgon.

Écoutez le reste… « Mon fils sait combien l’engagement qu’il va prendre est sérieux ; il espère, dit-il, sous ce déguisement de peu de durée, saisir quelques traits du caractère de notre future et la mieux connaître, pour se régler ensuite sur ce qu’il doit faire, suivant la liberté que nous sommes convenus de leur laisser. Pour moi, qui m’en fie bien à ce que vous m’avez dit de votre aimable fille, j’ai consenti à tout, en prenant la précaution de vous avertir, quoiqu’il m’ait demandé le secret de votre côté. Vous en userez là-dessus avec la future comme vous le jugerez à propos… » Voilà ce que le père m’écrit. Ce n’est pas le tout, voici ce qui arrive ; c’est que votre sœur, inquiète de son côté sur le chapitre de Dorante, dont elle ignore le secret, m’a demandé de jouer ici la même comédie, et cela précisément pour observer Dorante, comme Dorante veut l’observer. Qu’en dites-vous ? Savez-vous rien de plus particulier que cela ? Actuellement, la maîtresse et la suivante se travestissent. Que me conseillez-vous, Mario ? Avertirai-je votre sœur, ou non ?

Mario.

Ma foi, monsieur, puisque les choses prennent ce train-là, je ne voudrais pas les déranger, et je respecterais l’idée qui leur est venue à l’un et à l’autre ; il faudra bien qu’ils se parlent souvent tous deux sous ce déguisement. Voyons si leur cœur ne les avertirait pas de ce qu’ils valent.