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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/392

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Lisette.

Je crois qu’il est homme à vous avoir conté des histoires maladroites pour faire briller son bel esprit.

Silvia.

Mon déguisement ne m’expose-t-il pas à m’entendre dire de jolies choses ? À qui en avez-vous ? D’où vous vient la manie d’imputer à ce garçon une répugnance à laquelle il n’a point de part ? Car enfin, vous m’obligez à le justifier ; il n’est pas question de le brouiller avec son maître ni d’en faire un fourbe, pour me faire une imbécile, moi, qui écoute ses histoires.

Lisette.

Oh ! madame, dès que vous le défendez sur ce ton-là, et que cela va jusqu’à vous fâcher, je n’ai plus rien à dire.

Silvia.

Dès que je vous le défends sur ce ton-là ! Qu’est-ce que c’est que le ton dont vous dites cela vous-même ? Qu’entendez-vous par ce discours ? Que se passe-t-il dans votre esprit ?

Lisette.

Je dis, madame, que je ne vous ai jamais vue comme vous êtes et que je ne conçois rien à votre aigreur. Eh bien, si ce valet n’a rien dit, à la bonne heure ; il ne faut pas vous emporter pour le justifier ; je vous crois, voilà qui est fini ; je ne m’oppose pas à la bonne opinion que vous en avez, moi.

Silvia.

Voyez-vous le mauvais esprit ! comme elle tourne les choses ! Je me sens dans une indignation… qui… va jusqu’aux larmes.