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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/449

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Lisette.

Cela est singulier.

Madame Argante.

Oh ! j’en suis sûre. À l’égard du mari que je lui donne, je ne doute pas qu’elle n’approuve mon choix ; c’est un homme très riche, très raisonnable.

Lisette.

Pour raisonnable, il a eu le temps de le devenir.

Madame Argante.

Oui ; un peu vieux, à la vérité ; mais doux, mais complaisant, attentif, aimable.

Lisette.

Aimable ! Prenez donc garde, madame ; il a soixante ans, cet homme.

Madame Argante.

Il est bien question de l’âge d’un mari avec une fille élevée comme la mienne !

Lisette.

Oh ! s’il n’en est pas question avec mademoiselle votre fille, il n’y aura guère eu de prodige de cette force-là !

Madame Argante.

Qu’entendez-vous avec votre prodige ?

Lisette.

J’entends qu’il faut, le plus qu’on peut, mettre la vertu des gens à son aise, et que celle d’Angélique ne sera pas sans fatigue.

Madame Argante.

Vous avez de sottes idées, Lisette ; les inspirez-vous à ma fille ?

Lisette.

Oh ! que non, madame ; elle les trouvera bien sans que je m’en mêle.