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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/454

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Madame Argante.

Oui, grâce à mes soins je vous vois telle que j’ai toujours souhaité que vous fussiez. Comme il vous est familier de remplir vos devoirs, les vertus dont vous allez avoir besoin ne vous coûteront rien, et voici les plus essentielles ; c’est, d’abord, de n’aimer que votre mari.

Angélique.

Et si j’ai des amis, qu’en ferai-je ?

Madame Argante.

Vous n’en devez point avoir d’autres que ceux de M. Damis, aux volontés de qui vous vous conformerez toujours, ma fille. Nous sommes sur ce pied-là dans le mariage.

Angélique.

Ses volontés ? Eh ! que deviendront les miennes ?

Madame Argante.

Je sais que cet article a quelque chose d’un peu mortifiant ; mais il faut s’y rendre, ma fille. C’est une espèce de loi qu’on nous a imposée, et qui dans le fond nous fait honneur ; car entre deux personnes qui vivent ensemble, c’est toujours la plus raisonnable qu’on charge d’être la plus docile ; et cette docilité-là vous sera facile, car vous n’avez jamais eu de volonté avec moi, vous ne connaissez que l’obéissance.

Angélique.

Oui, mais mon mari ne sera pas ma mère.

Madame Argante.

Vous lui devez encore plus qu’à moi, Angélique ; et je suis sûre qu’on n’aura rien à vous reprocher là-dessus. Je vous laisse ; songez à tout ce que je vous ai dit ; et surtout gardez ce goût de retraite, de solitude, de modestie, de pudeur qui me charme