Aller au contenu

Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Silvia.

Oui, encore une fois ; tout cela est vrai.

Arlequin, pleurant de toutes ses forces.

Hi ! hi ! hi !

Silvia, à part.

Le courage me manque. (Arlequin cherche dans ses poches ; il en tire un petit couteau qu’il aiguise sur sa manche.) Qu’allez-vous donc faire ? (Arlequin, sans répondre, allonge le bras comme pour prendre sa secousse, et ouvre un peu son estomac.) Ah ! Il va se tuer. Arrêtez-vous, mon amant ; j’ai été obligée de vous dire des menteries. (En parlant à la Fée qu’elle croit à côté d’elle.) Madame la fée, pardonnez-moi. En quelque endroit que vous soyez ici, vous voyez bien ce qui en est.

Arlequin.

Ah ! quel plaisir ! Soutenez-moi, m’amour ; je m’évanouis d’aise. (Silvia le soutient. Trivelin paraît tout d’un coup à leurs yeux.)

Silvia, surprise.

Ah ! voilà la fée.

Trivelin.

Non, mes enfants, ce n’est pas la fée ; mais elle m’a donné son anneau, afin que je vous écoutasse sans être vu. Ce serait bien dommage d’abandonner de si tendres amants à sa fureur ; aussi bien ne mérite-t-elle pas qu’on la serve, puisqu’elle est infidèle au plus généreux magicien du monde à qui je suis dévoué. Soyez en repos ; je vais vous donner un moyen d’assurer votre bonheur. Il faut qu’Arlequin paraisse mécontent de vous, Silvia ; et que, de votre côté, vous feigniez de le quitter en le raillant. Je vais chercher la fée qui m’attend, à qui je dirai que vous vous êtes parfaitement acquittée de ce qu’elle vous avait ordonné ;