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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/517

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Dorante.

Toi ?

Le Chevalier.

Oui ; délivre-moi d’uné chicané qué mé fait mon honneur. A-t-il tort ou raison ? Voici lé cas. On dit qué tu aimes la Comtessé ; moi, jé n’en crois rien, et c’est entré lé oui et lé non qué gît lé petit cas dé conscience qué jé t’apporte.

Dorante.

Je t’entends, chevalier : tu aurais grande envie que je ne l’aimasse plus.

Le Chevalier.

Tu l’as dit ; ma délicatesse sé fait bésoin dé ton indifférence pour elle. J’aime cetté dame.

Dorante.

Est-elle prévenue en ta faveur ?

Le Chevalier.

Dé faveur, jé m’en passe ; ellé mé rend justicé.

Dorante.

C’est-à-dire que tu lui plais.

Le Chevalier.

Dès qué jé l’aime, tout est dit ; épargne ma modestie.

Dorante.

Ce n’est pas ta modestie que j’interroge ; car elle est gasconne. Parlons simplement. T’aime-t-elle ?

Le Chevalier.

Eh ! oui, té dis-je. Ses yeux ont déjà là-dessus entamé la matière ; ils mé sollicitent lé cœur, ils démandent réponsé. Mettrai-je bon au bas dé la réquête ? C’est ton agrément qué j’attends.