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Page:Martin - Histoire des églises et chapelles de Lyon, 1908, tome I.djvu/187

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saint-irénée

au bûcher, aux tenailles, à la dent des fauves, la désigna mieux encore que sa somptueuse architecture « miræ magnitudinis » aux visites et aux oil’randes des pèlerins. À peine était-elle achevée qu’on s’accoutumait à la distinguer sous le titre de « Murlyrium », ainsi que l’atteste l’inscription tumulaire du jeune Domenecus, qui passa cinq ans de son enfance à y servir. En parlant du sanctuaire et de ses dépendances, on employait le plus souvent les expressions « loca sancta », « loca sanctorum », « ad sanctos », tant ce sol semblait anobli par les gages qui lui avaient été confiés. Les gens de dévotion, comme Agapus, y montaient assidûment prier ; on y entendait, pendant les veilles nocturnes, retentir les hymnes et les antiphones, grâce à des chœurs voués à cet office, dont Nonnosus fut longtemps une des plus remarquables voix. Dans les fêtes et les anniversaires qu’on y célébrait, une place exceptionnelle fut immédiatement accordée à la mémoire de l’évêque Justus, mort dans un exil que sa délicatesse de conscience lui avait imposé, au fond d’une cellule solitaire de la Thébaïde. Sidoine Appollinaire, qui nous a laissé de l’œuvre construite sous ses yeux, une description en vers, à triple trochée, trop connue pour que nous la répétions ici, dans une lettre à son ami Eriphius, a décrit aussi le pompeux appareil avec lequel peuple et clergé solennisaient l’anniversaire du jour où les cendres du pontife avaient été ramenées d’Égypte et rendues à ses concitoyens, amèrement repentant d’avoir été cause de sa fuite. Avant même les naissantes lueurs de l’aube, une interminable procession se rendait à son tombeau, entouré de prêtres, de clercs et de moines ; dans l’enceinte étincelante de lumières suffocantes, bondée d’une multitude qui se répandait au delà des portiques, l’évêque présidait à la psalmodie des matines et, après un court repos, à l’heure de tierce, il offrait le saint sacrifice ; l’homélie était confiée à un prédicateur de renom : saint Avit de Vienne la prononça plusieurs fois.

À ces splendeurs, inaugurées sous la domination des rois Burgondes, succéda trop vite une longue période de délaissement et d’oubli. Dans les âges de fer qui suivirent, au milieu des incessantes invasions, hors des remparts, la sécurité était précaire ; la population urbaine se tassait autour de la cathédrale Saint-Nizier et sur la rive opposée de la rivière de la Saône, de la Ghana à Sainte-Eulalie : la montagne déserte, ou à peu près, était abandonnée avec ses monuments aux injures du temps et aux coups des barbares. En 723, les Sarrazins achevèrent de renverser ce qui avait échappé aux envahisseurs qui les avaient précédés et la dévastation qu’ils laissèrent après eux fut telle que Leidrade, dont le zèle hardi releva tant de ruines, n’osa pas toucher à celles-là. Un autre prélat carlovingien, Remy, en chargea son chorévêque : Audinus obéit et s’appliqua à ressusciter ce passé, en réédifiant les murailles écroulées, en même temps qu’il reconstituait la communauté sacerdotale dispersée et anéantie. Les archéologues ont reconnu les traces de ses travaux, le cachet de son époque, dans quelques fragments de marbre, incrustés dans le pavé de la crypte, et dans un arc extérieur de son flanc méridional où la brique alterne avec des claveaux de pierre.

Une charte constitutionnelle, datée de 868, expose le plan de l’organisation nouvelle et enregistre plusieurs propriétés, entre autres le territoire de Briguais, destinées à l’entretien du service divin. La congrégation, qui en reçoit le soin, se composera de vingt