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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/144

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pas, et, tout à coup sur un ton dégagé : « Savez-vous ce que je ferais à votre place ; mon cher ami ? Je lui dirais : “ Tu veux que ton frère quitte le pénitencier ? Oui ? Tu y tiens toujours ? Eh bien, je te prends au mot, va le chercher : mais garde-le. Tu as voulu qu’il revienne : occupe-toi de lui ! ” » M. Thibault ne bougea pas. L’abbé reprit :

— « J’irais même plus loin encore ! Je lui dirais : “ Je ne veux pas de Jacques à la maison. Arrange-toi comme tu voudras. Tu as toujours l’air de penser que nous ne savons pas le prendre. Eh bien, essaye donc, toi ! ” Et je lui mettrais son frère sur les bras. Je les installerais quelque part, tous les deux, — à proximité de chez vous, bien entendu, pour qu’ils puissent prendre leurs repas avec vous ; mais j’abandonnerais à Antoine la direction complète de son frère. Ne vous récriez pas, mon cher ami », ajouta-t-il, bien que M. Thibault n’eût pas fait un geste, « attendez, laissez-moi finir : mon idée n’est pas aussi chimérique qu’elle paraît… »

Il revint à son bureau et s’assit, les coudes sur la table :

— « Suivez-moi bien », dit-il.

« Primo : Il y a fort à parier que Jacques