Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/192

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— « Oui. »

— « Eh bien, assieds-toi, installe-toi ; prends ce grand fauteuil, tu verras comme on y est bien. Je vais faire du thé. As-tu faim ? Vas nous chercher les gâteaux. »

— « Non, merci. »

— « Mais j’en veux bien, moi ! » Rien ne pouvait altérer la bonne humeur d’Antoine. Ce bûcheur solitaire découvrait enfin la douceur d’aimer, de protéger, de partager. Il riait sans raison. C’était une ivresse heureuse, qui le rendait expansif comme jamais il n’avait été.

— « Une cigarette ? Non ? Tu me regardes… Tu ne fumes pas ? Tu me regardes tout le temps comme si… comme si je te tendais des pièges ! Voyons, mon vieux, un peu d’abandon, que diable, un peu de confiance ; tu n’es plus au pénitencier ! Tu te méfies encore de moi ? Dis ? »

— « Mais non. »

— « Quoi donc ? Tu as peur que je t’aie trompé, que je t’aie fait revenir et que tu ne sois pas libre comme tu l’espérais ? »

— « N… non. »

— « Qu’est-ce que tu crains ? Regrettes-tu quelque chose ? »