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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/205

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d’avoir une attaque et gisait en travers de sa loge. Elle reprit ses sens dans la soirée ; mais, du côté droit, le bras et la jambe n’obéissaient plus.

À quelques jours de là, un matin, Antoine allait sortir, on sonna. Une gretchen, en chemisette rose et tablier noir, apparut dans l’encadrement de la porte ; rougissante, avec un sourire hardi :

— « Je viens pour le ménage… M. Antoine ne me reconnaît pas ? Lisbeth Fruhling… »

Elle avait le parler de l’Alsace, plus traînant encore sur ses lèvres d’enfant. Antoine se rappelait bien « l’orpheline de la mère Fruhiing », qui vivait jadis à cloche-pied dans la cour. Elle expliqua qu’elle arrivait de Strasbourg pour soigner sa tante, la suppléer dans son service ; et, sans perdre de temps, elle commença le ménage.

Elle revint ainsi chaque jour. Elle apportait le plateau et assistait au petit déjeuner des jeunes gens. Antoine la plaisantait sur ses brusques rougeurs et l’interrogeait sur la vie allemande. Elle avait dix-neuf ans ; depuis six ans qu’elle avait quitté l’immeuble, elle habitait chez son oncle, qui tenait à Strasbourg un hôtel-restauration dans le