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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/206

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quartier de la gare. Tant qu’Antoine était là, Jacques se mêlait un peu à la conversation. Mais dès qu’il se sentait seul avec Lisbeth dans l’appartement, il l’évitait.

Pourtant, les jours où Antoine était de garde, c’était dans la chambre de Jacques qu’elle portait le déjeuner. Il lui demandait alors des nouvelles de la tante ; et Lisbeth ne lui faisait grâce d’aucun détail : maman Fruhling se remettait, mais lentement ; l’appétit, de jour en jour, était meilleur. Lisbeth avait le respect de la nourriture. Elle était petite, dodue, et l’élasticité de son corps trahissait sa passion pour la danse, les jeux, le chant. Lorsqu’elle riait, elle regardait Jacques sans la moindre gêne. Un minois éveillé, le nez court, deux lèvres fraîches, légèrement gonflées, des yeux de porcelaine, et, tout autour du front, une mousse de cheveux qui n’étaient pas blonds, mais couleur de chanvre.

Chaque jour Lisbeth bavardait un peu plus longtemps. La timidité de Jacques s’apprivoisait. Il l’écoutait avec une attention sérieuse. Il avait une façon d’écouter qui lui avait de tout temps valu des confidences : secrets de domestiques, de condisciples, par-