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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/212

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Alors seulement elle redressait la tête, avec un regard interrogateur ; et lui, sa réponse était un baiser sur le front, le baiser de fiançailles. « Dans cinq ans, j’aurai vingt ans. Je dirai à papa ; “ Je ne suis plus un enfant ”. S’ils me disent : “ C’est la nièce de la concierge ”, je… » Il fit un geste de menace. « Fiancée ! Fiancée !… Vous êtes ma fiancée ! » Sa chambre lui parut trop petite pour tant de joie. Il sortit. L’air était chaud. Il se mouvait avec volupté dans la lumière. « Fiancée ! Fiancée ! Elle est ma fiancée ! »


Il dormait si fort, le lendemain, qu’il ne l’entendit même pas sonner, et sauta du lit en reconnaissant son rire dans la chambre d’Antoine. Lorsqu’il les rejoignit, Antoine avait déjeuné, et, prêt à sortir, tenait Lisbeth à pleines mains par les deux épaules :

— « Tu entends ? » menaçait-il ; « si tu lui laisses encore prendre du café, tu auras affaire à moi ! » Lisbeth riait de son rire particulier ; elle refusait de croire que du bon café-au-lait à l’allemande, bien sucré et avalé bouillant, put jamais faire du mal à maman Fruhling.