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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/270

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de remarquer combien l’attitude de la jeune fille était réservée, défensive. Tout à coup, par un renversement fatal de sa pensée, Lisbeth lui apparut : petite chose, familière, domestique, presque rien. Épouser Lisbeth ? La puérilité de cette hypothèse lui apparaissait pour la première fois. Alors ? Un vide soudain se creusait dans sa vie, un vide affreux qu’il fallait combler à tout prix, — que Jenny eût tout naturellement comblé, — mais…

— « … dans un collège ? »

Il tressaillit. Elle lui parlait.

— « Pardon ? »

— « Vous êtes dans un collège ? »

— « Pas encore », fit-il, tout troublé. « Je suis très en retard. Je prends des leçons avec des professeurs, des amis de mon frère. » Il ajouta, sans penser à mal : « Et vous ? »

Elle fut offensée qu’il se permît de l’interroger, et plus encore par son regard amical. Elle répondit d’un ton sec :

— « Non, je ne vais dans aucune école ; je travaille avec une institutrice. »

Il eut un mot malencontreux :

— « Oui, pour une fille, ça n’a pas d’importance. »