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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/42

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du bon ragoût qui fume, avec la vue des autres qui se régalent. Voilà, ça c’est irrésistible ! Pas vrai ? On maigrit si vite à cet âge-là ! Quinze jours, trois semaines, jamais plus : je suis toujours venu à bout des plus récalcitrants. La persuasion ! » conclut-il en arrondissant les yeux. « Et jamais je n’ai eu à sévir autrement ; jamais je n’ai seulement levé la main sur un de ces petits qui me sont confiés ! »

Son visage rayonnait de fierté, de tendresse. Il avait vraiment l’air de les aimer, ces garnements, même ceux qui lui donnaient du fil à retordre.

Ils redescendirent les étages. M. Faîsme tira sa montre.

— « Laissez-moi, pour terminer, vous offrir un spectacle bien édifiant. Vous raconterez cela à M. le Fondateur, je suis sûr qu’il sera content. »

Ils traversèrent le jardin et pénétrèrent dans la chapelle. M. Faîsme offrit l’eau bénite. Antoine vit de dos une soixantaine de gamins en bourgerons écrus, alignés au cordeau, agenouillés sur le pavé, immobiles ; quatre surveillants moustachus, en drap bleu liseré de rouge, allaient et venaient, sans