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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/66

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« Je me suis monté la tête comme une midinette », se disait Antoine en marchant. « Cette boîte est bien tenue et Jacques n’y est pas malheureux. »

« Le plus bête », songea-t-il tout à coup, « c’est d’avoir perdu mon temps à jouer au juge d’instruction, au lieu de causer avec Jacques, en ami. » Il n’était pas loin de croire que son frère l’avait vu partir sans regret. « C’est un peu sa faute », pensa-t-il avec humeur ; « il s’est montré si indifférent ! » Malgré tout il regrettait de ne pas avoir fait les premières avances.

Antoine vivait sans maîtresse, et se contentait des rencontres que lui offrait le hasard ; mais son cœur de vingt-quatre ans lui pesait quelquefois : il eut aimé prendre en pitié un être faible, prêter à quelqu’un l’appui de sa force. Son affection pour le petit augmentait à mesure qu’il s’éloignait de lui. Quand le reverrait-il maintenant ? Pour un rien il fut revenu en arrière.

Il marchait le front baissé, à cause du soleil. Lorsqu’il releva la tête, il vit qu’il