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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/74

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partir sans avoir eu le temps de causer un peu avec toi, tu comprends ? »

Jacques ne répondit rien. La perspective de cette causerie lui était-elle agréable ? Antoine n’en était pas sûr ; il craignit de faire fausse route, et se tut.

La pente du chemin qui descendait vers la berge, rendait leur marche plus allègre. Ils atteignirent un bras de la rivière, qui était canalisé. Un petit pont en fer enjambait une écluse. Trois grosses péniches vides flottaient de toute la hauteur de leur coque brune sur l’eau presque immobile.

— « Tu aimerais faire un voyage en péniche ? » demanda gaîment Antoine, « Glisser en douce sur les canaux, entre les peupliers, avec les arrêts aux écluses, et les brouillards du matin, et, le soir, au soleil couchant, fumer sa cigarette à l’avant, sans penser à rien, les pieds ballants au-dessus de l’eau… Est-ce que tu dessines toujours ? »

Cette fois Jacques eut un tressaillement très net et Antoine fut certain de le voir rougir.

— « Pourquoi ? » demanda-t-il d’une voix mal assurée.