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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/75

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— « Pour rien », reprit Antoine, intrigué. « Parce qu’il y aurait un croquis amusant à prendre, ces trois péniches, l’écluse, le petit pont… »

Le chemin de halage s’élargissait, devenait une route. Ils arrivaient au grand bras de l’Oise, dont le cours gonflé roulait vers eux.

— « Voilà Compiègne », dit Antoine.

Il s’était arrêté, et pour s’abriter du soleil, il avait mis la main au front. Il reconnut dans le ciel lointain, par-dessus des frondaisons vertes, les pointes en faisceau du beffroi, le clocheton arrondi de l’église ; il s’apprêtait à les nommer, lorsqu’en jetant les yeux sur son frère, qui, à côté de lui, la main en visière, semblait comme lui inspecter l’horizon, il s’aperçut que Jacques regardait le sol à ses pieds ; il avait l’air d’attendre qu’Antoine se remit en marche ; ce qu’Antoine fit, sans rien dire.

Tout Compiègne était dehors. Antoine et Jacques se mêlèrent à la foule qui passait sur le pont. Il avait dû y avoir conseil de révision, car des grappes de gars endimanchés achetaient aux marchands ambulants des flots de rubans tricolores, et, se tenant par