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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/86

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sanglot, et, cessant de courir, se mit à pleurer, sans tourner la tête :

— « Ne le dis pas, Antoine, ne le dis jamais à personne… Avec le père Léon, je ne me promenais pas, presque pas…

Il se tut. Antoine ouvrait la bouche pour questionner : un instinct l’avertit qu’il ne fallait pas proférer un son. En effet, la voix de Jacques, un peu hésitante et rauque, reprit :

— « Les premiers jours, oui… C’est même en promenade qu’il a commencé à… à me raconter des choses. Et il me prêtait des livres, — je ne croyais pas que ça existait ! Et après, il m’a proposé de faire partir des lettres, si je voulais… et c’est à ce moment-là que j’ai écrit à Daniel. Mais je n’avais pas d’argent pour les timbres. Alors, tu ne sais pas… Il avait vu que je savais un peu dessiner. Tu devines… C’est lui qui me disait comment il fallait faire… Alors, en échange, il payait le timbre pour Daniel. Mais il montrait les dessins le soir aux surveillants, et tous en voulaient d’autres, de plus en plus compliqués… Alors, à partir de ce moment-là, le père Léon ne s’est plus gêné, il a cessé de me promener. Au lieu d’aller