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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/87

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dans les champs, il me faisait tourner derrière la Fondation pour traverser le village… Les gamins nous couraient après… On prenait la ruelle pour entrer dans l’auberge par la cour du fond. Lui, il allait boire, jouer aux cartes, faire je ne sais quoi ; et pendant tout le temps qu’il restait là, on me cachait dans une buanderie, avec une vieille couverture…

— « On te cachait ? »

— « Oui, dans une buanderie vide, fermée à clef, pendant deux heures… »

— « Mais pourquoi ? »

— « Je ne sais pas. Tu comprends, les aubergistes avaient peur. Un jour, il y avait du linge à sécher dans la buanderie, alors on m’a mis dans un couloir. La femme a dit… a dit… » Il sanglotait.

— « Qu’est-ce qu’elle a dit ? »

— « Elle a dit : “ On ne sait jamais avec ces graines… ” » Il sanglotait si fort qu’il ne put continuer.

— « … ces graines ? » répéta Antoine, en se penchant.

— « … ces graines… d’escrocs… », acheva enfin le petit, et il se mit à sangloter de plus belle.