Page:Maupassant - À propos du peuple, paru dans Le Gaulois, 19 novembre 1883.djvu/3

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bourgeois avares et qui leur avait valu des révolutions.

Je n’userai point de cet argument, bien qu’il me paraisse avoir tout juste autant de rapport avec la question, que la littérature en a avec la misère publique.

Certes, nous ne nourrissons point le peuple. Mais les sculpteurs non plus, non plus les violonistes, non plus les aquarellistes, non plus les graveurs de camées, et en général tous ceux qui se livrent à des professions artistiques.

Nous n’écrivons pas pour le peuple ; nous nous soucions peu de ce qui l’intéresse en général ; c’est vrai, nous ne sommes pas du peuple. L’Art, quel qu’il soit, ne s’adresse qu’à l’aristocratie intellectuelle d’un pays. Je m’étonne qu’on puisse confondre.

Si une nation ne se composait que du peuple, je comprendrais le reproche que nous adresse M. Vallès. Il n’en est point ainsi, heureusement !

Une nation se compose de couches très diverses (pour me servir d’une expression célèbre), allant des plus basses aux plus hautes, des plus ignorantes aux plus éclairées.

Le peuple, la foule, peine, s’agite, souffre, il est vrai, de mille privations, justement parce qu’il est le peuple, c’est-à-dire la masse à peine civilisée, illettrée, bru-