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tale. Mais une sélection se fait peu à peu dans cette foule. Des hommes plus intelligents s’en détachent, forment une autre classe intermédiaire, plus cultivée, supérieure. Cette classe a déjà des goûts, des besoins, des aspirations, un idéal enfin tout différents de ceux de la couche au-dessous.

Et toujours le même travail se produit dans la foule. Toujours les êtres d’élite s’élèvent, se séparent de la populace originelle, forment des classes d’individus de plus en plus cultivés, de plus en plus supérieurs.

La transformation complète, achevée, constitue l’aristocratie. Par aristocratie, je ne veux pas parler de la noblesse, mais de toute la partie vraiment intelligente d’une nation. Car le même phénomène social se reproduit en sens inverse, et les races qui furent supérieures retournent souvent au peuple par suite de l’affaiblissement cérébral des générations.

Eh bien, mon cher confrère, c’est à cette élite, rien qu’à cette élite, que nous nous adressons ; nous ne nous occupons que d’elle, nous n’écrivons que pour elle ; et plus notre art est délicat, raffiné, plus est restreint notre public.

Cette aristocratie nous prouve, en achetant nos livres, que nous lui plaisons, que nous répondons à un besoin de son es-