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mademoiselle cocotte

où l’eau semblait profonde. Alors il noua un bout de la corde au beau collier de cuir, et ramassant une grosse pierre, il l’attacha de l’autre bout. Puis il saisit Cocotte dans ses bras et la baisa furieusement comme une personne qu’on va quitter. Il la tenait serrée sur sa poitrine, la berçait, l’appelait « ma belle Cocotte, ma petite Cocotte », et elle se laissait faire en grognant de plaisir.

Dix fois il la voulut jeter, et toujours le cœur lui manquait.

Mais brusquement il se décida, et de toute sa force il la lança le plus loin possible. Elle essaya d’abord de nager, comme elle faisait lorsqu’on la baignait, mais sa tête, entraînée par la pierre, plongeait coup sur coup ; et elle jetait à son maître des regards éperdus, des regards humains, en se débattant comme une personne qui se noie. Puis tout l’avant du corps s’enfonça, tandis que les pattes de derrière s’agitaient follement hors de l’eau ; puis elles disparurent aussi.

Alors, pendant cinq minutes, des bulles d’air vinrent crever à la surface comme si le fleuve se fût mis à bouillonner ; et François, hagard,