Page:Maupassant - Clair de lune, 1905.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
les bijoux

sur son comptoir et le regarda de loin pour mieux juger de l’effet.

M. Lantin, gêné par toutes ces cérémonies, ouvrait la bouche pour déclarer : « Oh ! je sais bien que cela n’a aucune valeur, » — quand le bijoutier prononça :

— Monsieur, cela vaut de douze à quinze mille francs ; mais je ne pourrais l’acheter que si vous m’en faisiez connaître exactement la provenance.

Le veuf ouvrit des yeux énormes et demeura béant, ne comprenant pas. Il balbutia enfin : « Vous dites ?… Vous êtes sûr. » L’autre se méprit sur son étonnement, et, d’un ton sec : « Vous pouvez chercher ailleurs si on vous en donne davantage. Pour moi, cela vaut, au plus, quinze mille. Vous reviendrez me trouver si vous ne trouvez pas mieux. »

M. Lantin, tout à fait idiot, reprit son collier et s’en alla, obéissant à un confus besoin de se trouver seul et de réfléchir.

Mais, dès qu’il fut dans la rue, un besoin de rire le saisit, et il pensa : « L’imbécile ! oh ! l’imbécile ! Si je l’avais pris au mot tout de