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l’ordonnance

nageant, et lui devait m’attendre dans les buissons, et puis rester là jusqu’au soir pour qu’on ne le vit pas partir. Je venais de le rejoindre, quand les branches s’ouvrent et nous apercevons Philippe, votre ordonnance, qui nous avait surpris. J’ai senti que nous étions perdus et j’ai poussé un grand cri ; alors il m’a dit, lui, mon ami ! — Allez-vous-en à la nage, tout doucement, ma chère, et laissez-moi avec cet homme.

« Je suis partie, si émue que j’ai failli me noyer et je suis rentrée chez vous, m’attendant à quelque chose d’épouvantable.

« Une heure après, Philippe me disait, à voix basse, dans le corridor du salon où je l’ai rencontré : « Je suis aux ordres de Madame, si elle avait quelque lettre à me donner ». Alors je compris qu’il s’était vendu, et que mon ami l’avait acheté.

« Je lui ai donné des lettres, en effet, — toutes mes lettres. — Il les portait et me rapportait les réponses.

« Cela a duré deux mois environ. Nous avions confiance en lui, comme vous aviez confiance en lui, vous aussi.