Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
un soir

barbe longue, coiffé d’un chapeau de paille, vêtu de flanelle blanche, debout à côté de moi, et me dévisageant de ses yeux bleus.

— N’êtes-vous pas mon ancien camarade de pension ? dit-il.

— C’est possible. Comment vous appelez-vous ?

— Trémoulin.

— Parbleu ! Tu étais mon voisin d’études.

— Ah ! vieux, je t’ai reconnu du premier coup, moi.

Et la longue barbe se frotta sur mes joues.

Il semblait si content, si gai, si heureux de me voir, que, par un élan d’amical égoïsme, je serrai fortement les deux mains de ce camarade de jadis, et que je me sentis moi-même très satisfait de l’avoir ainsi retrouvé.

Trémoulin avait été pour moi pendant quatre ans le plus intime, le meilleur de ces compagnons d’études que nous oublions si vite à peine sortis du collège. C’était alors un grand corps mince, qui semblait porter une tête trop lourde, une grosse tête ronde, pesante, inclinant le cou tantôt à droite, tantôt à gauche, et écrasant la poitrine étroite de ce haut collégien à longues jambes.