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un soir

peur qu’elle en fût prévenue et qu’elle connût mes soupçons.

Donc, elle était entrée dans cette maison et me l’avait caché. Il y avait un mystère. Lequel ? Tantôt j’imaginais des raisons louables, une bonne œuvre dissimulée, un renseignement à chercher, je m’accusais de la suspecter. Chacun de nous n’a-t-il pas le droit d’avoir ses petits secrets innocents, une sorte de seconde vie intérieure dont on ne doit compte à personne ? Un homme, parce qu’on lui a donné pour compagne une jeune fille, peut-il exiger qu’elle ne pense et ne fasse plus rien sans l’en prévenir avant ou après ? Le mot mariage veut-il dire renoncement à toute indépendance, à toute liberté ? Ne se pouvait-il faire qu’elle allât chez une couturière sans me le dire ou qu’elle secourût la famille d’un des cochers ? Ne se pouvait-il aussi que sa visite dans cette maison, sans être coupable, fût de nature à être, non pas blâmée, mais critiquée par moi ? Elle me connaissait jusque dans mes manies les plus ignorées et craignait peut-être, sinon un reproche, du moins une discussion. Ses mains étaient fort jolies, et je finis par supposer