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un soir

qu’elle les faisait soigner en cachette par la manucure du logis suspect et qu’elle ne l’avouait point pour ne pas paraître dissipatrice. Elle avait de l’ordre, de l’épargne, mille précautions de femme économe et entendue aux affaires. En confessant cette petite dépense de coquetterie elle se serait sans doute jugée amoindrie à mes yeux. Les femmes ont tant de subtilités et de roueries natives dans l’âme !

Mais tous mes raisonnements ne me rassuraient point. J’étais jaloux. Le soupçon me travaillait, me déchirait, me dévorait. Ce n’était pas encore un soupçon, mais le soupçon. Je portais en moi une douleur, une angoisse affreuse, une pensée encore voilée — oui, une pensée avec un voile dessus — ce voile, je n’osais pas le soulever, car, dessous, je trouverais un horrible doute… Un amant !… N’avait-elle pas un amant ? Songe ! songe ! Cela était invraisemblable, impossible… et pourtant ?…

La figure de Montina passait sans cesse devant mes yeux. Je le voyais, ce grand bellâtre aux cheveux luisants, lui sourire dans le visage, et je me disais : « C’est lui. »