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un soir

La nuit, c’était plus affreux encore, car je la sentais à côté de moi, dans mon lit. Elle était là, dormant ou feignant de dormir ! Dormait-elle ? Non, sans doute. C’était encore un mensonge !

Je restais immobile, sur le dos, brûlé par la chaleur de son corps, haletant et torturé. Oh ! quelle envie, une envie ignoble et puissante, de me lever, de prendre une bougie et un marteau, et, d’un seul coup, de lui fendre la tête, pour voir dedans ! J’aurais vu, je le sais bien, une bouillie de cervelle et de sang, rien de plus. Je n’aurais pas su ! Impossible de savoir ! Et ses yeux ! Quand elle me regardait, j’étais soulevé par des rages folles. On la regarde — elle vous regarde ! Ses yeux sont transparents, candides — et faux, faux, faux ! et on ne peut deviner ce qu’elle pense, derrière. J’avais envie d’enfoncer des aiguilles dedans, de crever ces glaces de fausseté.

Ah ! comme je comprends l’Inquisition ! Je lui aurais tordu les poignets dans des manchettes de fer. — Parle… avoue !… Tu ne veux pas ? attends !… — Je lui aurais serré la gorge doucement… — Parle, avoue… tu ne veux pas ?…