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allouma

dans un tapis, auprès du campement, quand je crus reconnaître, parmi les mots bizarres qui sortaient de sa bouche, celui de Bordj-Ebbaba.

Je répétai : — Bordj-Ebbaba. — Oui, oui.

Et je lui montrai deux francs, une fortune. Il se mit à marcher, je le suivis. Oh ! je suivis longtemps, dans la nuit profonde, ce fantôme pâle qui courait pieds nus devant moi par les sentiers pierreux où je trébuchais sans cesse.

Soudain une lumière brilla. Nous arrivions devant la porte d’une maison blanche, sorte de fortin aux murs droits et sans fenêtres extérieures. Je frappai, des chiens hurlèrent au dedans. Une voix française demanda : « Qui est là ? »

Je répondis :

— Est-ce ici que demeure M. Auballe ?

— Oui.

On m’ouvrit, j’étais en face de M. Auballe lui-même, un grand garçon blond, en savates, pipe à la bouche, avec l’air d’un hercule bon enfant.

Je me nommai ; il tendit ses deux mains en disant : « Vous êtes chez vous, Monsieur. »

Un quart d’heure plus tard je dinais avidement en face de mon hôte qui continuait à fumer.