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l’héritage

différente, plus réservée, plus élégante, ayant compris, deviné, flairé toutes les transformations qu’impose la fortune.

Elle fit, à l’occasion du jour de l’an, une visite à l’épouse du chef, grosse personne restée provinciale après trente-cinq ans de séjour à Paris, et elle mit tant de grâce et de séduction à la prier d’être la marraine de son enfant, que Mme Torchebeuf accepta. Le grand-père Cachelin fut parrain.

La cérémonie eut lieu par un dimanche éclatant de juin. Tout le bureau était convié, sauf le beau Maze, qu’on ne voyait plus.

À neuf heures, Lesable attendait devant la gare le train de Paris, tandis qu’un groom en livrée à gros boutons dorés tenait par la bride un poney dodu devant un panier tout neuf.

La machine au loin siffla, puis apparut, traînant son chapelet de voitures d’où s’échappa un flot de voyageurs.

M. Torchebeuf sortit d’un wagon de première classe, avec sa femme en toilette éclatante, tandis que, d’un wagon de deuxième, Pitolet et Boissel descendaient. On n’avait point osé inviter le père Savon, mais il était entendu qu’on le rencontrerait par hasard, dans l’après-midi, et qu’on l’amènerait dîner avec l’assentiment du chef.

Lesable s’élança au-devant de son supérieur, qui s’avançait tout petit dans sa redingote fleurie par sa grande décoration pareille à une rose