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garçon, un bock !…

un sou qui trainait, il s’écria : « Garçon, deux bocks ! »

Une voix lointaine répéta : « Deux bocks au quatre ! » Une autre voix plus éloignée encore lança un « Voilà ! » suraigu. Puis un homme en tablier blanc apparut, portant les deux bocks dont il répandait, en courant, les gouttes jaunes sur le sol sablé.

Des Barrets vida d’un trait son verre et le reposa sur la table, pendant qu’il aspirait la mousse restée en ses moustaches.

Puis il demanda : « Et quoi de neuf ? »

Je ne savais rien de neuf à lui dire, en vérité. Je balbutiai : « Mais, rien mon vieux. Moi je suis commerçant. »

Il prononça de sa voix toujours égale : « Et… ça t’amuse ? »

— « Non, mais que veux-tu ? il faut bien faire quelque chose !

— « Pourquoi ça ?

— « Mais… pour s’occuper.

— « À quoi ça sert-il ? Moi, je ne fais rien, comme tu vois, jamais rien. Quand on n’a pas le sou, je comprends qu’on travaille. Quand on a de quoi vivre, c’est inutile. À quoi bon travailler ? Le fais-tu pour toi ou pour les autres ? Si tu le fais pour toi, c’est que ça t’amuse, alors très bien ; si tu le fais pour les autres, tu n’es qu’un niais. »