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miss harriet

« Nom d’un nom, qu’all’est maigre ! »

Nous la portâmes dans sa chambre, et comme les deux femmes ne reparaissaient point, je fis sa toilette mortuaire avec le valet d’écurie.

Je lavai sa triste face décomposée. Sous mon doigt un œil s’ouvrit un peu, qui me regarda de ce regard pâle, de ce regard froid, de ce regard terrible des cadavres, qui semble venir de derrière la vie. Je soignai comme je le pus ses cheveux répandus, et, de mes mains inhabiles, j’ajustai sur son front une coiffure nouvelle et singulière. Puis j enlevai ses vêtements trempés d’eau, découvrant un peu, avec honte, comme si j’eusse commis une profanation, ses épaules et sa poitrine, et ses longs bras aussi minces que des branches.

Puis, j’allai chercher des fleurs, des coquelicots, des bluets, des marguerites et de l’herbe fraîche et parfumée, dont je couvris sa couche funèbre.

Puis il me fallut remplir les formalités d’usage, étant seul auprès d’elle. Une lettre trouvée dans sa poche, écrite au dernier moment, demandait qu’on l’enterrât dans ce village où s’étaient passés ses derniers jours. Une pensée affreuse me serra le cœur. N’était-ce point à cause de moi qu’elle voulait rester en ce lieu ?

Vers le soir, les commères du voisinage s’en vinrent pour contempler la défunte ; mais j’em-