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mont-oriol

Puis, comme l’heure avançait, on rentra.

En approchant du parc, Charlotte Oriol s’écria :

— Oh ! la bourrée ! la bourrée !

On dansait la bourrée, en effet, sur un vieil air auvergnat.

Paysans et paysannes marchaient et sautaient en faisant des grâces, tournaient et se saluaient ; celles-ci pinçant et soulevant leurs jupes avec deux doigts de chaque main ; ceux-là les bras ballants ou arrondis comme des anses.

L’air monotone et gentil dansait aussi dans le vent plus frais du soir ; c’était toujours la même phrase chantée par le violon sur un ton suraigu, et dont les autres instruments scandaient le rythme, rendaient : l’allure plus bondissante. Et c’était bien la musique simple et paysanne, alerte et sans art, qui convenait à ce menuet rustique et lourdaud.

Les baigneurs, aussi, essayaient de danser. Petrus Martel bondissait en face de la petite Odelin, maniérée comme une marcheuse de ballet ; le comique Lapalme mimait un pas extravagant autour de la caissière du Casino, qui semblait agitée par des souvenirs de Bullier.

Mais soudain Gontran aperçut le docteur Honorat qui s’en donnait de tout son cœur et de toutes ses jambes, et exécutait la bourrée classique en véritable Auvergnat pur sang.

L’orchestre se tut. Tous s’arrêtèrent. Le docteur vint saluer le marquis.

Il s’essuyait le front et soufflait.

— C’est bon, dit-il, d’être jeune, quelquefois.

Gontran lui posa la main sur l’épaule, et, souriant d’un air mauvais :