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mont-oriol

— Vous ne m’aviez pas dit que vous étiez marié.

Le médecin cessa de s’essuyer, et répondit avec gravité :

— Oui, je le suis, et mal.

— Vous dites ?

— Je dis : mal marié. Ne faites jamais cette folie-là, jeune homme.

— Pourquoi ?

— Pourquoi. Tenez, voilà vingt ans que je suis marié, eh bien, je ne m’y accoutume pas. Tous les soirs en rentrant, je me dis : « Tiens, cette vieille dame est encore chez moi ! Elle ne s’en ira donc jamais ? »

Tout le monde se mit à rire, tant il avait l’air sérieux et convaincu.

Mais les cloches d’hôtel sonnaient le dîner. La fête était terminée. On reconduisit Louise et Charlotte Oriol à la maison paternelle, et quand on les eut quittées, on parla d’elles.

Tout le monde les trouvait charmantes. Seul, Andermatt préférait l’aînée. Le marquis dit :

— Comme la nature féminine est souple ! Le seul voisinage de l’or paternel dont elles ne connaissent même pas l’usage, a fait des dames de ces campagnardes.

Christiane ayant demandé à Paul Brétigny :

— Et vous, laquelle préférez-vous ?

Il murmura :

— Oh ! moi, je ne les ai même pas regardées. Ce n’est pas elles que je préfère.

Il avait parlé très bas ; et elle ne répondit rien.