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mont-oriol

gnaient le bouquet de sapins, l’odeur de la résine les rafraîchissait comme un souffle de la mer.

Ils s’asseyaient sous les arbres sombres, elle sur une butte d’herbe, lui plus bas, à ses pieds. Le vent dans les tiges chantait ce doux chant des pins qui ressemble un peu à une plainte ; et la Limagne immense, aux lointains invisibles, noyée dans les brumes, leur donnait tout à fait la sensation de l’Océan. Oui, la mer était là, devant eux, là-bas ! Ils n’en pouvaient douter, car ils recevaient son haleine sur la face !

Il avait pour elle des câlineries enfantines :

— Donnez vos doigts que je les mange, ce sont mes bonbons, à moi.

Il les prenait, l’un après l’autre, dans sa bouche, et semblait les goûter avec des frissons gourmands :

— Oh ! qu’ils sont bons ! Le petit surtout. Je n’ai jamais rien mangé de meilleur que le petit.

Puis il se mettait à genoux, posant ses coudes sur les genoux de Christiane, et il murmurait :

— Liane, regardez-moi ?

Il l’appelait Liane parce qu’elle s’enlaçait à lui pour l’embrasser, comme une plante étreint un arbre.

— Regardez-moi. Je vais entrer dans votre âme.

Et ils se regardaient de ce regard immobile, obstiné, qui semble vraiment mêler deux êtres l’un à l’autre !

— On ne s’aime bien qu’en se possédant ainsi, disait-il, toutes les autres choses de l’amour sont des jeux de polissons.

Et face à face, confondant leurs haleines, ils se cherchaient éperdument dans la transparence des yeux.

Il murmurait.

— Je vous vois, Liane. Je vois votre cœur adoré !