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d’avares parce que nous savons la valeur exacte des choses. Pour vous, un piano c’est un piano, une chaise c’est une chaise, un pantalon c’est un pantalon. Pour nous aussi, mais cela représente en même temps une valeur, une valeur marchande appréciable et précise qu’un homme pratique doit évaluer d’un seul coup d’œil, non point par économie, mais pour ne pas favoriser la fraude.

Que diriez-vous si une débitante de tabac vous demandait quatre sous d’un timbre-poste ou d’une boîte d’allumettes-bougies ? Vous iriez chercher un sergent de ville, monsieur, pour un sou, oui pour un
sou ! tant vous seriez indigné ! El cela parce que vous connaissez, par hasard la valeur de ces deux objets. Eh bien, moi, je sais la valeur tous les objets trafiquables ; et cette indignation qui vous saisirait si on réclamait quatre sous sur un timbre-poste, je l’éprouve quand on me demande vingt francs pour un parapluie qui en vaut quinze ! Comprenez-vous ? Je proteste contre le vol établi, incessant, abominable des marchands, des domes­tiques, des cochers. Je proteste contre l’improbité commerciale de toute votre race