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mont-oriol

vestibule des bains au kiosque, un flûtiste énorme, qui avait l’air de sucer une allumette en la chatouillant de ses gros doigts bouffis, et une contrebasse d’aspect phtisique, produisaient avec beaucoup de fatigue cette imitation parfaite d’un mauvais orgue de Barbarie, qui avait surpris Christiane dans les rues du village. Comme elle s’arrêtait à les contempler, un monsieur salua son frère.

— Bonjour, mon cher comte.

— Bonjour, docteur.

Et Gontran présenta :

— Ma sœur, — Monsieur le docteur Honorat.

Elle put à peine retenir sa gaîté, en face de ce troisième médecin.

Il salua et complimenta.

— J’espère que Madame n’est pas malade ?

— Si. Un peu.

Il n’insista point et changea de conversation.

— Vous savez, mon cher comte, que vous aurez tantôt un spectacle des plus intéressants à l’entrée du pays.

— Quoi donc, docteur ?

— Le père Oriol va faire sauter son morne. Ah ! ça ne vous dit rien à vous, mais pour nous c’est un gros événement.

Et il s’expliqua.

Le père Oriol, le plus riche paysan de toute la contrée — on lui connaissait plus de cinquante mille francs de revenu — possédait toutes les vignes au débouché d’Enval sur la plaine. Or, juste à la sortie du village, à l’écartement du vallon, s’élevait un petit mont, ou plutôt une grande butte, et sur cette butte étaient les meilleurs vignobles du père Oriol. Au