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Mazelli cependant eut l’air tout à coup de prendre de l’avantage. Il semblait devenu plus intime avec elle, comme si un accord secret se fût établi entre eux. En lui parlant, il jouait légèrement avec son ombrelle et avec un ruban de sa robe, ce qui semblait à Paul une sorte d’acte de possession morale, et l’exaspérait à lui donner envie de souffleter l’Italien.

Mais un jour, dans la maison du père Oriol, alors que Brétigny causait avec Louise et Gontran, tout en surveillant du regard Mazelli contant, à voix basse, à Charlotte des choses qui la faisaient sourire, il la vit soudain rougir avec un air si troublé qu’il ne put douter une seconde que l’autre n’eût parlé d’amour. Elle avait baissé les yeux, ne souriait plus, mais écoutait toujours ; et Paul, se sentant prêt à faire un éclat, dit à Gontran :

— Tu serais bien gentil de sortir cinq minutes avec moi.

Le comte s’excusa près de sa fiancée et suivit son ami.

Dès qu’ils furent dans la rue, Paul s’écria :

— Mon cher, il faut à tout prix empêcher ce misérable Italien de séduire cette enfant qui est sans défense contre lui.

— Que veux-tu que j’y fasse, moi ?

— Que tu la préviennes de ce qu’est cet aventurier.

— Hé, mon cher, ces choses-là ne me regardent pas.

— Enfin, elle sera ta belle-sœur.

— Oui, mais rien ne me prouve absolument que Mazelli ait sur elle des vues coupables. Il est galant de la même façon avec toutes les femmes, et il n’a jamais rien fait ou rien dit d’inconvenant.

— Eh bien si tu ne veux pas t’en charger, c’est moi